La Coursive

La coursive est déserte. Les bandes d’éclairage fluorescent dispensent leur faible lumière verte depuis plus de trois cent trente années standards.

Durant les premiers cycles d’abandon du navire, les logimecs d’entretien ont tenté tant bien que mal de réparer les lourdes avaries subies par le vaisseau. Mais sans aide extérieure ils n’ont pu qu’intervenir ponctuellement, çà et là, pour sauvegarder ce qui pouvait l’être par leur travail modeste mais obstiné, parant au plus urgent, reculant peu à peu, abandonnant progressivement au vide spatial salles, corridors, hangars, passerelles et secteurs entiers. Jusqu’à ce qu’il n’y ai plus que cette coursive à entretenir. Et ils l’avaient fait avec résolution sachant pourtant que leurs efforts étaient désormais vains.

Puis ils cessèrent eux-mêmes de fonctionner.

Bientôt les derniers systèmes de vie préservant l’atmosphère de ce petit espace perdu entre le X, le Y et le Z viendront à s’arrêter. Le froid absolu envahira le couloir. Ses cloisons se recouvriront de givre. La structure se déformera, des pans entiers des parois se détacheront pour errer librement, lentement au gré de faibles champs magnétiques persistants. Les micros-météorites perforeront ce qu’il reste de la coque. Des cuves relâcheront les gaz encore présents, remplissant la coursive d’arbres cristallins.

Un follet du Profond viendra s’installer un temps dans cet abri précaire, profitant de la structure pour y déposer ses œufs après y avoir aménagé un nid d’énergie, de céramique et de glaise biologique.

Plus tard encore, bien après que le nid ait été abandonné par le follet et sa progéniture, une comète de passage vient capturer l’amas de métaux rares, de câbles, de circuits et d’objets, vestiges d’un ancien navire dont il est désormais difficile d’en déterminer l’origine.

Cette comète est baptisée Num Annonciatrice. Num car c’est ainsi que commence les noms de toutes les comètes que croise l’Abram. Annonciatrice, car elle nous dit que nous rencontrerons très probablement des représentants de notre propre civilisation, bientôt, dans les cycles à venir.

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