El Piloullilou

Illustration : marijeberting

Quelles sont les contraintes auxquelles les restaurateurs doivent faire face lorsqu’ils créent des restaurants à bord d’un Traceur.

La nourriture peut être de synthèse ou naturelle. Avec tous les intermédiaires possibles et imaginables entre ces deux extrêmes.

Il n’y a pas beaucoup de terres cultivables ni d’élevage à bord d’un Traceur.

Beaucoup de denrées sont importées. Mais le Traceur se déplaçant souvent on ne trouve pas de tout, tout le temps.

Néanmoins, des sociétés se sont spécialisées dans l’approvisionnement constant de certains produits que l’on pourrait qualifier de denrées de base, indispensables à la vie des attachés. Ces entreprises ont en général de nombreux vaisseaux de transport et de vastes entrepôts dans lesquels d’importants stocks de nourritures et de produits manufacturés sont conservés.

L’organisation Calabank s’est spécialisée dans l’approvisionnement des restaurants exotiques de l’Abram. Elle possède une flotte de dix-huit Trapenauds et emploie plus de six cents attachés et colons dont la moitié forme les équipages de sa flotte marchande.

Les Trapenauds sont des navires de transport rapide. Leur charpente peut accueillir un nombre restreint de containers, les quartiers de vie sont spartiates et les blocs-moteurs démesurés par apport à l’ensemble.

Des éclaireurs Bio ou Métal sillonnent la galaxie à la recherche des mets les plus rares proposés par les gargoteurs du Traceur. Ils repèrent, négocient, achètent leurs marchandises qu’ils doivent stocker sur place, dans leurs vaisseaux, sur des stations et dans le Traceur. Les denrées sont nombreuses, leurs origines tout autant. Le Traceur fourmille de milliards d’attachés et de visiteurs et les origines de tous ces Bio à satisfaire sont multiples. La nature de ces denrées rend parfois le travail de Calabank infiniment complexe.

Prenons le cas des Tanabales, race Bio sapiens à la morphologie mi-minérale, mi-cellulaire. Ce sont des humanoïdes développant un squelette inorganique sur lequel prolifèrent des bulbes cellulaires. Les Tanabales ne se nourrissent que d’une seule matière, la sève du Triche. En des endroits très particuliers, l’espace amélioré suinte littéralement dans l’espace normale. Il faut pour cela des arbres transcendants, comme les ifres de Belanos de la planète des Tanabales. Ces végétaux ont la particularité de prendre racine dans le réel pour finir dans le supérieur. Leur cime se perd dans l’autre espace et, à la jonction des deux univers, peut alors sourdre de la résine provenant non pas de notre espace mais bien du Triche. Cette substance si rare prend la forme de gouttes huileuses d’abord chaudes et grésillantes puis, en tombant au sol et en se refroidissant, mattes, sombres et sans horizon. Lorsqu’elles touchent terre elles figent un petit espace d’approximation de Gauss d’un mètre de diamètre dans une coque d’inactivité temporelle. Tout ce qui est compris dans ces sphères ne vit plus, ne vieillit plus, n’existe plus que dans le moment où la perle de sève a touché le sol. Il est donc impossible, théoriquement, de prendre une de ces gouttes solidifiées, rien ne peut physiquement les atteindre et donc encore moins les bouger. Pour les ramener à bord de l’Abram l’organisation Calabank a dû improviser, comme elle est amenée à le faire souvent pour satisfaire sa nouvelle clientèle aux goûts authigènes. Dans ce cas précis ils ont conçu des tubes de chute perpétuelle. Placée sous une goutte de sève tombant vers le sol, le tube s’enroule, une fois la goutte captée, sur lui-même jusqu’à sceller ses extrémités et former un tore capturant la goutte dans un champ gravifique la faisant tourner sans fin au sein de l’anneau ainsi constitué. Les tores sont ramenés tel quel et on libère les gouttes à la table même des Tanabales dans les gargotes du Traceur spécialement équipées pour minimiser les risques d’interférences entre les sphères d’inactivité temporelle et les dissipations d’Ԑ des algorithmes de conviction des Intelligences voisines.

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