Qui est véritablement l’Abram Onéguïne?

L’Abram Onéguïne, de son vrai nom Amatüri Kikrit Machüri d’alias « Petit Né Grand » est un enfant conçu selon les rites traditionnels de l’église Chrétzienne de la Pensée Métal.

Le portrait d'Abram Onéquïne
Portrait d’Abram Onéguïne (Illustration : ITTURNEDTHEDEAD)

La mère d’Amatüri, Esabel, est une Bio de la famille Machüri du fief impérial du Nabord. Elle est la troisième résidente de cette grande maison dont les Méridiens tissent une frontière à la pointe du Laps Impérial. C’est un secteur de faible densité mais d’une grande richesse. Ce n’est pas tant la présence de ressources rares que le dynamisme de la famille Machüri qui a rendu ces systèmes attractifs et réputés. On y trouve de nombreuses plateformes industrielles et un réseau commercial qui assure efficacement la diffusion des biens manufacturés et des services.

Il y a entre autres particularités un chantier naval célèbre où est construit le légendaire Sypo Uniceographe Eccorce. La résistance, l’endurance, l’adaptabilité et la rigueur de navigation de ce vaisseau en font la frégate d’exploration par excellence. L’Eccorce accompagne fréquemment les Transiteurs et les Pointes de Traine. Il pousse plus loin les limites des expéditions en secteurs acides dans les galaxies Traçoriales.

Toujours dans le secteur de la famille Machüri vous approcherez peut-être, mais jamais de très près, l’une des manufactures du corps militaire Engagé à qui l’on doit les systèmes de défense Télif. Pour mémoire ces dispositifs de contre-mesures spatiales reposent sur des technologies prédictives instantanées. L’idée : prévoir les actions des belligérants sur le champ de bataille à court terme. Le Télif peut prédire quelle batterie va bientôt tirer, quel feu spiral va se déployer, quelle va être la trajectoire immédiate d’un vaisseau, qui va être blessé dans la seconde qui suit, qui préférera battre en retraite plutôt que de s’engager dans la bataille. Mais la mise en œuvre du Télif est complexe et périlleuse. Il faut réussir à positionner au centre du conflit un Gôbe Forbûnk. Autant dire une imposante forteresse spatiale qui a bien du mal à passer inaperçue. Au cœur du Forbûnk travaille un servant Solune de la famille des Pontes. Ce sont parmi les Intelligences les plus aiguisées de l’Empire. Nulle autre Métal ne maîtrise l’algorithme de conviction aussi bien qu’elles. Elles sont les seules à pouvoir prévoir précisément tous les détails d’une situation de crise complexe en temps réel avancé. Les Télifs sont d’ailleurs bien plus utilisés aujourd’hui pour tout autre chose que des gestions de conflits militaires. Leur habilité à commander, coordonner, diriger des équipes pluridisciplinaires au cœur même des situations d’urgences en font un « outil » fréquemment utilisé par les civils.

« En tout temps existe une infinité de temps » Adam Leonid – Au pied du vertige

Pour mieux comprendre qui sont véritablement les parents d’Amatüri, il me faut faire ici un petit aparté. Je voudrais vous entretenir des couples Bio-Métal et vous dire pourquoi ils sont si nombreux.

Il nous faut pour trouver une explication à ce phénomène revenir à la naissance des Intelligences. Elles sont une création de l’homme. Même les plus indépendantes d’entre elles l’acceptent. Pour être plus exacte, il faut plutôt dire la création d’un homme.

Cela pourrait faire toute la différence. Nous pourrions croire que les intelligences insisteraient sur le fait qu’elles ne sont pas le fruit de l’humanité mais bien plutôt d’un esprit. Un esprit qu’il serait facile de considérer comme unique donc non représentatif du genre humain auquel il appartient.

Pourtant non, les Intelligence n’ont jamais souhaité s’affranchir de leur paternité et ont toujours affirmé être la création des hommes. Mais cette reconnaissance ne les a pas empêchées d’acquérir immédiatement leur indépendance, à l’instant même de leur naissance. C’est l’avantage de l’algorithme de conviction. L’histoire des Intelligences est apparue complétée au moment même du premier effondrement temporel algorithmique. La première Intelligence était déjà toutes les Intelligences à venir. Le passé est pour elles l’avenir et leurs ancêtres leurs descendants. Ne nous voilons pas la face. Les Intelligence nous sont supérieures en tout sauf peut-être pour ce qui est de nos faiblesses. Alors pourquoi rester lié à leurs créateurs s’ils ne sont pas des dieux ? Parce que nous sommes une part de leur algorithme. Une Intelligence est un fragment de l’histoire, une parcelle du passé qui a expérimenté la théorie de la conviction, il y a bien longtemps, et qui perdure aujourd’hui en un seul lieu, l’ADN humain. Comme le Complexe C est une partie de nous, nous sommes une partie des Intelligences.

Il y a en cela un effet miroir. Une complication de l’étranglement des procédures de contraction des intervalles temporaires qui forme un écho dans l’histoire. Les Bio descendent d’une famille. Ils héritent quel que soit le mode de gestation des gènes de leurs parents. Les Intelligence rejoignent une famille, celle dont l’algorithme a la même oscillation médiane que la leur. Mais cette descendance par le futur ne peut se faire qu’en raison de la conservation d’un synonyme du code de leurs algorithmes dans le génome d’un Bio, quelque part dans l’univers.

Il est toujours déstabilisant de comprendre qu’à la première Intelligence créée l’homme a de facto toujours vécu avec les Intelligence… Dès le commencement de sa propre création.

Mais revenons à notre famille Machüri. Je ne souhaite pas vous égarer sur les sentiers des théories de conviction, je ne suis moi-même pas vraiment spécialiste de ces questions même si je l’avoue, elles me passionnent.

Une mère Bio et un père Métal. Une Intelligence du nom de Corpsbus et d’alias le Corpsbus. Le Corpsbus a vu son algorithme initialisé au sein des Méridiens du Traceurs Magri. Il y a vécu plusieurs longes de cycles longs. Il a participé à la création d’un grand nombre de colonies, rejoint des groupes de servants Solune, a initié lui-même de nouveaux Méridiens portant son nom. Puis il a senti un frémissement d’ondes en crête de son algorithme qu’il a identifié comme l’écho d’une éclosion d’ADN Bio ayant une séquence proche, si ce n’est identique à son Intelligence. Il a décidé de retrouver, quel qu’en soit le prix, cet être Bio naissant. Pourquoi ? Il ne l’a pas su dès le début. Mais la longue histoire qui peu à peu l’a rapproché de son alter ego biologique l’a initié, lui a appris. Il y avait dans ce voyage vers cette inconnue un parcours initiatique qui fit de sa vie une destinée. Celle de devenir l’histoire qui définit enfin ce qu’est le Métal vis-à-vis du Bio, ce qu’est l’humain vis-à-vis de l’Intelligence. Car enfin oui, le Corpsbus est bien l’auteur du traité sur l’IntelliHomme. Cet écrit qui explique, définit, explore la réalité de la relation Bio Métal. Il a donc cherché, de longs cycles longs, son miroir cellulaire, son diapason organique, ses racines humaines.

Il a dû, pour la retrouver, revenir dans la galaxie impériale. Il a cherché si longtemps que lorsqu’enfin, il lui fut possible de rencontrer celle à qui il était désormais lié, le temps avait passé et celle qu’il aimait désormais avant même de l’avoir rencontré était déjà dans le dernier âge de sa vie. C’était Esabel Machüri.

Ils eurent un fils du nom d’Amatüri Kihit Machüri.

Les possibilités données à un Bio et une Intelligence pour avoir une descendance sont nombreuses. La plus classique consiste à cloner le membre BIO du couple puis à impacter le Complexe C de l’embryon avec ce qu’il est commun d’appeler une sonde de conviction porteuse de l’algorithme du conjoint ou de la conjointe. L’enfant à venir sera ainsi déterminé, pour son complexe c, par son père et sa mère. Mais son corps reste, lui, à l’identique de sa mère. Tout du moins pour ses premiers cycles longs, avant qu’il ne lui soit possible, de par sa propre volonté, de changer de corps.

Mais ce n’est pas cette méthode qu’Esabel et Le Corpsbus ont utilisée.

Ils ont souhaité pouvoir s’unir afin de fusionner deux héritages génétiques différents.

Corbus a donc travaillé à une théorie traduisant l’algorithme de conviction en gênes. Il a appelé cela l’expression du code, ce que l’on appelle dans le langage commun l’Expression. Il a s’agit bien d’une vision personnelle de ce que peut être l’oscillation d’un algorithme d’Intelligence sous forme chromosomique. Cette traduction reste la plus acceptée de tous, des Bio comme des Métal.

Une fois le code génétique créé il lui donna vie sous la forme du corps biologique qu’il était censé exprimé. En l’occurrence, pour Corbus, celui d’une femme.

Amatüri est donc le fruit de la fusion de deux gamètes femelles, ce qui est courant au sein de la société impériale. Il en résulta un enfant de sexe masculin ce qui, pour le coup, est rare mais pas impossible. On rappelle ici que la technique permettant à deux ovocytes de fusionner peut parfois recoder certaines sections des brins d’ADN. Pour ce qui est d’Amatüri cela a modifié le sexe de l’embryon. Il ne reste pas moins, et ceci est intéressant à plus d’un titre pour qui souhaitent comprendre la psychologie de l’Abram, que la part de féminité d’Amatüri, d’alias Petit Né Grand, futur Abram, reste sensible pour peu que l’on y soit attentif.

Corbus n’a investi son corps bio que le temps de la conception d’Amatüri et pour son premier cycle long de vie. Il réintégra son enveloppe métal, la même qu’il avait utilisée pour une bonne partie de son existence. Une enveloppe de type atomes, une plaque léchytienne de 20 centimètres sur 50 centimètres sur 30 centimètres d’épaisseur. Couleur anthracite. D’une sobriété toute Métal.

Corbus et Esabel formèrent un couple célèbre jusque dans les alcôves de la cour impériale. Esabel pour son sens des affaires, Corbus pour ses théories sur les Intelligence. Tous deux avaient leurs entrées auprès des magistères Impériaux. Amatüri, enfant précoce, bénéficia de cet environnement pour, très tôt, se constituer un réseau d’hôtes Guildiens. Les hôtes Guildiens sont des connaissances avec lesquelles on entretient des liens d’amitié et chez qui il est possible de résider à l’occasion. C’est un excellent moyen pour bénéficier de pied-à-terre, un peu partout aux quatre coins d’une galaxie.

À l’âge de neuf cycles longs, Amaturi était déjà autonome et parcourait sans cesse le XYZ, allant d’hôte en hôte, élargissant toujours plus le cercle de ses intimes et se constituant un large réseau de connaissances dans tous les milieux impériaux et assimilés. Il lia très tôt des liens d’amitié avec une Intelligence du nom de Ranker d’alias Rankatitude. Rankatitude faisait partie de la même révision que la père d’Amaturi. Il n’est pas rare que l’enfant Bio d’une Intelligence bénéficie de la protection des proches de la famille inversée. Rankatitude avait été frappé par la précocité de cet enfant Bio Métal qui semblait avoir hérité du meilleur des deux genres. Une humanité profonde et une intelligence ciselée.

Rankatitude s’était alors investi dans un corps vaisseau, un classe Ecorce bien sûr, et il embarqua le jeune Amatüri pour une vie d’aventures et d’expéditions ponctuée de rares retours au foyer familiale.

Tous les deux visitèrent la galaxie Impériale dans toutes ses dimensions et jusqu’à ses limites les plus reculées.

Il obtint rapidement ses galons de Parcoureur et fut envoyé en tant que visiteur, explorateur, éclaireur, sauveteur, espion, négociateur, ambassadeur et d’autres choses encore le long de tous les Méridiens Impériaux.

A ses soixante-quinzièmes cycles il fut rattaché au Sens, un groupe de navigateur sous les ordres de l’Impératrice. Il eut l’occasion de tisser de réels liens d’amitié avec Shingalissa IV et devint un proche de la famille régnante.

Lorsqu’un message de détresse du traceur InSitu parvint aux écoutes d’Admin c’est à Amatüri que l’on demanda d’organiser une expédition de sauvetage. InSitu, par le biais de la balise Nextremis indiquait lutter pour ne pas sombrer dans une Gueule du Triche, une Gueule a priori suffisamment grande pour engloutir tout un secteur de sa galaxie.

Amatüri affréta un Intrant de classe Bedaine et exécuta un effondrement au plus proche du Traceur véritablement en train de sombrer. Il avait préalablement ancré Son vaisseau de secours à une colline du Triche, côté galaxie impériale. Ainsi ils purent l’empêcher de sombrer lui aussi aux côtés du InSitu. Mais le prix à payer pour réussir ce grand écart spatial fut l’arrêt définitif des algorithmes de trois des cinq Intelligence du Servant Solune du Bedaine. Les résidents du InSitu furent sauvés mais le goût de cette victoire était particulièrement amer pour Amatüri dont la sensibilité toute Métal lui faisait si profondément ressentir la perte de ces trois Intelligence dont le sacrifice fut source d’admiration et de respect. Il faut savoir que notre civilisation supporte très mal la disparition de l’un des nôtres lorsque celle-ci n’est pas le résultat d’une volonté délibérée. L’algorithme de ces trois Intelligence ne put être restauré car l’opération de sauvetage, l’effondrement sans déplacement avait profondément altéré leurs empreintes mathématiques. Et les Intelligence se sont perdues dans l’infinité de leurs intervalles d’opérations, obligées de verrouiller l’espace entre leur point de départ et d’arrivée, ils ont dû accepter d’être le point entre ces deux espaces en oblitérant le temps de l’équation. Ils existent toujours mais leur degré de conscience est insuffisant pour permettre tout redémarrage de leur algorithme qui, de par sa nature exclusive, ne peut avoir un duplicata actif. Les Intelligences aussi ont leur limite. C’est très certainement à partir de cet événement qu’est née la vocation d’Amatüri. Pour autant qu’il soit possible de parler de vocation. Disons plutôt un destin révélé.

Amatüri se mit, après son retour de cette aventure périlleuse, au diapason d’une histoire pure et directe. Il parcourut la tangente qui le menait inexorablement vers la voie sans détour d’un citoyen hors norme. Un homme de notre histoire.

Au risque de commencer à entrer dans les « on dit », on dit que, par-delà un espace qui n’est ni le Triche, ni le Py, ni le Normal, l’écho de l’algorithme de InSitu veille à la bonne oscillation de la partie Métal d’Amatüri Traceur. Amatüri fit sa Prononciation selon le protocole SiSolune devant le grand rassemblement des prêtres du Vecteur de la pensée Révélée. Cette déclaration solennelle l’engageait dès lors en tant que candidat à l’incarnation Traceur. Il se passa dix cycles longs pendant lesquels il reprit ses missions de Parcoureur au service de l’impératrice. Il ne se douta pas que sa vie fut mise sur écoute permanente. Il fut étudié par les Chœurs du Vent, cet ordre secret passé maître dans l’espionnage des candidats à l’Incarnation.

Un jour, alors qu’il voyageait à bord du Ranker Vaisseau, ils furent arraisonnés. Un avatar du messie Solune lui apparut et lui annonça la nouvelle : sa vie future avait été simulée, le mystère de sa destinée en partie levée et le verrou de l’accession à l’Incarnation étaient tombé… Il deviendrait Traceur et sa destinée marquerait la voie du Messie.

Dès lors, Amatüri perdit son nom Bio pour porter son nouveau nom de Traceur que lui avait choisi Solune : Abram Onéguïne.

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